Between a Rock and a Hard Place : choice, function and context of lithic tools in early metalworking on Europe’s Atlantic façade (FP7 – PEOPLE Marie Curie Actions n° 623392 - HardRock)
Linda BOUTOILLE (Post-doctorante, Marie Curie Research Fellow, Queen’s University of Belfast
School of GAP)
Projet post-doctoral en cours à la Queen University of Belfast en 2014/2015, sous l’autorité de D. BRANDHEIRM (Queen University of Belfast, School of Geography, Archaeology and Palaeoecology - GAP)
Mots-clés : Âge du Bronze, Métallurgie, Métallurgiste, Industries lithiques, Marteau, Enclume, Ouest de la France, Espagne, Angleterre.
Introduction
Traditionnellement, les recherches sur la métallurgie de l’âge du Bronze se concentrent principalement sur l’étude des techniques et des productions. Au sein de ces recherches, les outils, principalement métalliques, servent à illustrer les discours sur l’histoire de l’évolution des techniques et la typochronologie des artefacts. Ainsi, à l’exception des moules de fondeur, les outils métalliques ont complètement occulté leurs homologues lithiques liés à la métallurgie. Et force est de constater aujourd’hui une certaine carence relative à cet outillage. Néanmoins, depuis une dizaine d’années environ, la tendance tend à s’inverser et ces outils commencent à apparaitre dans les publications sur l’âge du Bronze (Brandherm, 2000 ; Armbruster, 2001, 2006 ; Freudenberg, 2006, 2009). Cependant, et ce malgré l’importance de ces publications, ces études restent régionales et l’accent est mis sur les particularités propres à chaque corpus, et cela en occultant complètement l’aspect fonctionnel et en isolant ces outils des chaines opératoires du métal. De même, la complémentarité fonctionnelle entre les outils métalliques et lithiques n’est jamais exploitée et les observations des traces d’utilisation, d’emmanchement ou du choix des matières lithiques usitées font souvent complément défaut. Ainsi en 2008, seulement trois outils étaient connus et inventoriés en France. De ce fait, il s’avérait indispensable d’entreprendre une recherche systématique sur le territoire français.
Marteaux et enclumes de l’âge du Bronze en France : résumé
Un travail doctoral, entrepris à l’Université de Bourgogne entre 2008 et 2012, a ainsi permis la reconnaissance en France d’un corpus d’une centaine d’outils principalement répartis sur la façade atlantique, et majoritairement confectionnée à partir de haches polies dont on a remplacé le tranchant par un méplat poli. Il met également en évidence l’existence d’un outillage diversifié, tant par la morphologie des parties actives que par le choix des matières usitées. Ainsi, treize types d’outils ont été identifiés, différant par la morphologie de la partie active ainsi que par le choix du support. Chaque type induit une fonction et une place différentes au sein des chaines opératoires du métal. La comparaison des parties actives avec celles des outils en alliage cuivreux a ainsi mis en lumière la richesse technologique et la haute spécialisation de cet outillage, jusque-là perçu comme rudimentaire.
Cependant, malgré l’importance du corpus français, ce dernier se compose majoritairement de découvertes isolées et il pèche par le manque de contexte précis. De ce fait, la comparaison avec les autres corpus européens s’avère indispensable. En effet en Europe, ces outils sont attestés du Chalcolithique à la fin de l’âge du Fer dans de nombreux contextes (dépôts, sépultures et ateliers) ; ils permettent donc d’appréhender les sociétés de l’âge du Bronze dans leur globalité. L’outillage en pierre lié à la déformation plastique des métaux ne préfigure pas seulement l’outillage en métal, mais il le complète au sein des ateliers de métallurgiste, et cela jusqu’à des périodes récentes. Bien que devenu très rare, il est encore utilisé actuellement chez certains métallurgistes traditionnels africains, ou encore dans les ateliers des derniers batteurs d’or occidentaux.
Objectifs et méthodes de la recherche postdoctorale
Dans la continuité de ce premier aperçu, l’objectif de ce nouveau projet est d’appréhender la place et le rôle des outils lithiques utilisés dans le cadre de la déformation plastique des métaux, et principalement ceux associés aux toutes premières sociétés métallurgistes d’Europe occidentale. Mais elle complète et précise également le premier travail, en proposant d’élargir la zone d’étude à la façade atlantique (Iles Britanniques, France, Espagne). Une base de données regroupant tous les outils est envisagée, facilitant la comparaison des outils et ainsi la compréhension de ce phénomène. Cette recherche introduit également de nouvelles perspectives et une nouvelle méthodologie, et se concentrera sur quatre principaux axes.
1. Fonction des outils
Dans son atelier, le métallurgiste dispose d’un large choix de marteaux et d’enclumes présentant des morphologies spécifiques. Chaque outil est utilisé dans un but bien précis, et c’est la succession de l’emploi des différents outils qui permet la réalisation des objets. Ainsi, c’est la morphologie de la partie active des outils qui détermine leur place au sein des chaines opératoires. En plus des techniques standards pour l’enregistrement des caractéristiques morphologiques et des traces d’usure (dessin technique, la photographie numérique), ce projet permettra de tester l’utilisation d’un scanner permettant la reconstitution des objets en 3D à des fins de documentation et d’analyse. Cette nouvelle technique apporte un puissant niveau d’analyse, qui peut être facilement intégré dans la base de données du projet. Ces recherches seront évidemment le fondement des études et permettront la comparaison entre les corpus lithiques et métalliques. En vue de la reconstruction de chaines opératoires spécifiques, des assemblages de plus d’un outil joueront un rôle clé dans cette analyse, car ils fournissent des indications précieuses sur la nature complémentaire des outils présents au sein d’un atelier.
2. Détermination du choix des matières utilisées
Si la morphologie de la partie active détermine la fonction de l’objet, elle est également complétée par la dureté de l’outil. Ainsi, le choix de réaliser un outil dans une matière plutôt qu’une autre n’est pas aléatoire, mais répond à un besoin technique. Cependant, d’autres paramètres ont pu entrer en compte, comme la disponibilité d’une matière locale voire d’un choix culturel. En systématisant les études pétrologiques à l’ensemble de l’outillage européen, l’objectif est de saisir les critères de sélection des roches, mais aussi de compléter la compréhension du cycle de vie des outils en déterminant les origines des roches employées. Le corpus bénéficiera d’analyses par diffraction des rayons X (DXR). Cette approche permettra d’identifier clairement les préférences régionales et chronologiques qui ont conduit aux choix des matières premières, mais aussi de compléter les données intrinsèques des objets en évaluant précisément la qualité (ténacité, élasticité, granulométrie) des roches utilisées et si ce choix dépend de facteurs fonctionnels ou culturels. Et, au-delà, d’appréhender les connaissances de ces hommes face aux ressources et au potentiel des matières lithiques.
3. Analyse spatiale
Les différentes études ont mis en lumière une répartition très inégale de ces outils, qui se concentrent dans certaines zones (Freudenberg, 2009 ; Brandherm, 2010). Ces ères semblent correspondre à des zones de production métalliques. Cependant, leur proximité avec les gisements de minerais, ainsi que les lieux de concentration des objets métalliques est loin d’être claire, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Une analyse spatiale de ces différents éléments apportera sans nul doute de précieux renseignements permettant la compréhension de ce phénomène. La distribution spatiale des découvertes sera analysée en utilisant des techniques de SIG. Cela permettra d’analyser les modes de distribution des groupes morphologiques, les types fonctionnels, les matières premières, le type de traces d’usure, la période chronologique, etc., facilitant la reconnaissance des tendances spatiales et l’identification des réseaux de circulation/distribution des matières premières ainsi que celui d’échange des connaissances.
4. Contextes de découvertes
Contrairement aux outils en alliage cuivreux, principalement placés dans les dépôts métalliques, les outils en pierre des métallurgistes se rencontrent dans des sépultures, des habitats, mais aussi des dépôts. Mais cela n’est pas homogène à l’échelle de l’Europe. Alors qu’en France, les découvertes isolées prédominent, on rencontre en Espagne ces outils dans des sépultures ou des ateliers fournissant des informations chronologiques précieuses qui seront utilisées pour définir le cadre temporel. L’Espagne se place donc comme la région cruciale dans cette étude. Il est certain que de nombreuses données quant à la chronologie ou la place de ces outils au sein de ces sociétés dépendront des sources ibériques. De même, certaines régions semblent préférer un type d’outil plutôt qu’un autre. Par exemple, les cushion stones semblent avoir été préférées aux outils sur haches polies dans certaines régions espagnoles. Ce phénomène, encore inexploré, pourrait effectivement correspondre à un choix culturel, mais aussi à un leurre engendré par d’inégales recherches au sein des différentes collections européennes. Dans le cas d’un choix culturel, il importerait ici d’en déterminer exactement les critères et d’en évaluer les implications relatives à l‘étude de ces sociétés. Ces études, basées sur les types morphologiques généraux et sur les catégories fonctionnelles, permettront une distinction claire entre les déterminants chronologiques, culturels et fonctionnels derrière l’association des différents instruments. En outre, il est envisagé de procéder à une étude comparative des assemblages funéraires, en vue de détecter des différences régionales potentielles relatives au statut social des métallurgistes.
Conclusion
Encore inédits il y a quelque années, les outils lithiques liés à la déformation plastique des métaux font l’objet de mentions de plus en plus fréquentes dans les publications, témoignant d’un intérêt croissant ainsi que certainement d’une meilleure reconnaissance de ces artefacts, les deux allant de pair. Face à cela, il devenait donc indispensable d’en établir les cadres fonctionnels, spatiaux, chronologiques et culturels. L’homme réalise des outils dans un but technique précis, celui de transformer la matière travaillée. L’outillage est le produit d’un besoin technique, mais également de la société qui l’a conçu, imaginé et utilisé. Ainsi la place des outils au sein des sociétés, mais aussi leur forme, est propre à chaque culture. De ce fait, l’outil se place comme un vecteur d’informations techniques, mais également d’informations socio-culturelles importantes pour la connaissance des sociétés de l’âge du Bronze.
Bibliographie
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