Les haches plates en cuivre et alliage cuivreux en France du IVe au IIe millénaire : chronologie, appartenance culturelle et fabrication

Henri GANDOIS (Doctorant, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Trajectoires - UMR 8215)

Thèse en cours (2015), débutée en 2009 à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, sous la direction de F. GILIGNY (Université Paris I Panthéon-Sorbonne, Trajectoires - UMR 8215) et C. LE CARLIER DE VESLUD (CNRS, CREAAH - UMR 6566)

Mots-clés : Néolithique, Campaniforme, Bronze ancien, France, Objets métalliques, Hache plate, Métallurgie, Analyse élémentaire, Typologie, Cuivre, Alliage cuivreux, Arsenic, Typo-Composition, Moule, Fonte.

Les haches plates en cuivre/alliage cuivreux, si elles représentent en nombre et en poids une part très importante de la production et de la consommation métallurgique de la fin du Néolithique et du début de l’âge du Bronze en France, n’en sont pas moins souvent les parents pauvres des études portant sur les artefacts métalliques de ces périodes. L’absence quasi systématique de contexte fiable pour ces objets (il s’agit pour une écrasante majorité de découvertes fortuites et isolées), de même qu’une documentation souvent ancienne et assez pauvre (quelques rares dessins, généralement peu complets et précis), sont les raisons principales de ce manque d’intérêt. En effet, ces objets sont souvent simplement cités dans la littérature ancienne, et parfois même complètement inédits comme le remarquait déjà J. Guilaine dans les années 1970 : « Souvent en effet […] les haches plates ont été brièvement signalées dans les comptes rendus des séances des sociétés savantes, sans aucune reproduction ni mensuration » (Guilaine, 1972, p. 40).

Les tentatives de classement typologique existantes, quand elles ne se bornent pas à simplement regrouper les haches plates dans une seule catégorie générale (Chardenoux et Courtois, 1979, p. 29‑35), ne distinguent que quelques grandes catégories très générales et souvent peu discriminantes (Briard et Verron, 1976, p. 19-30), l’aspect chronologique étant le plus souvent complètement laissé de côté. Cependant, les premières importations de la région circum-alpine remontent au moins au milieu du IVe millénaire (Klassen et al., 2007) et l’utilisation de ces objets a perduré jusqu’aux débuts de l’âge du Bronze, soit une période de presque deux millénaires.

Ce travail de recherche va s’atteler dans un premier temps à reprendre les inventaires existants de ces objets (voir notamment Baudouin, 1911 ; Briard et L’Helgouach, 1957, p. 64-65 ; Chardenoux et Courtois, 1979, p. 29-35 ; Galinand, 2007) afin de les compléter au mieux tout en incluant les découvertes les plus récentes. Les haches plates conservées dans les principales collections publiques (Musée de Penmarc’h, Musée Dobrée, Musée des Antiquités nationales, Musée de Bretagne, Musée d’Évreux…) seront étudiées afin d’avoir une base iconographique précise et fiable pour le travail de classement typologique qui sera entrepris par la suite.

Parallèlement et dans la mesure du possible, une demande d’analyse élémentaire du métal des objets étudiés sera faite auprès des différents conservateurs afin de compléter la base de données de ces analyses, plus de 300 haches ayant déjà été analysées. Les analyses seront faites au laboratoire de la faculté de Rennes 1 par C. Le Carlier de Veslud, tutrice de ce travail de thèse. Selon les décisions des conservateurs, deux méthodes sont envisagées : l’une destructrice avec prélèvement de matière au coeur (méthode ICP-AES, Inductively Coupled Plasma – Atomic Emission Spectroscopy) ; l’autre non-destructrice, n’analysant que la surface (méthode XRF, X-Ray Fluorescence). Pour des raisons de fiabilité et de représentativité des résultats, la première est préférable à la seconde. Les objets présentant des compositions similaires seront recherchés dans la base de données d’analyses élémentaires existant pour la France et les pays limitrophes (base de données dite « Stuttgarter Datenbank » [Junghans et al., 1960 – 1968], annexée sous forme de CD-ROM dans Bartelheim et al., 2002), la méthode préconisée par L. Klassen sera mise en oeuvre ici (2000, p. 94 ; Klassen et al., 2007). L’objectif sera de trouver des compositions élémentaires similaires dans des objets bien calés à la fois culturellement et chronologiquement, même s’il ne faut pas perdre de vue que les compositions des objets d’un même ensemble culturel peuvent varier selon précisément le type d’objet réalisé (Lechtman, 1991 ; Budd et Ottaway, 1995 ; etc.). Les résultats de cette étape devraient permettre d’affiner l’étude chronoculturelle des haches plates.

La base de données des résultats d’analyse sera également soumise à un traitement statistique sous forme de « cluster analysis » (Ottaway, 1982 ; Krause, 1988 ; Pernicka, 1995 ; Merkl, 2011) visant à rechercher des groupes de cuivre relativement homogènes et à les comparer aux données existantes pour la France et les pays limitrophes notamment afin de déceler d’éventuelles importations. Les résultats obtenus avec le classement typologique et les analyses élémentaires seront croisés pour voir si certains types morphologiques privilégient tel ou tel type de cuivre et/ou d’alliage. Pour mémoire, concernant les haches plates déjà analysées, plus de 20 % offrent un pourcentage d’étain supérieur à 1 % ce qui en fait très probablement un alliage volontaire (Gandois, 2009). La question de l’ajout volontaire ou non d’arsenic dans le métal sera également abordée via une comparaison avec les objets souvent fortement arséniés comme les pointes de Palmela, les hallebardes ou les poignards. Une cartographie prenant en compte les différents résultats (typologie, composition élémentaire, appartenance culturelle) sera également établie.

L’aspect technologique de la fabrication des haches plates sera aussi abordé avec des expérimentations visant à couler des haches dans différents types de moules (bivalves ou monovalves, en pierre, en argile ou au sable…) afin d’étudier les stigmates de la fonte et d’évaluer les travaux post-fontes nécessaires pour obtenir un objet similaire aux artefacts archéologiques. Dans la même optique, une demande de radiographie des haches plates du Musée Dobrée et du Musée des Antiquités nationales est en cours, les résultats permettront peut-être d’avoir une idée plus précise du processus de fonte.

Enfin, parallèlement à ces recherches, un travail de terrain sera entrepris avec la réouverture du site de la République (Talmont-Saint-Hilaire, Vendée), un des très rares sites de la façade atlantique de la France ayant livré des traces d’activités métallurgiques (Poissonnier, 1988 ; Gilbert, 1990 ; Roussot-Larroque et Poissonnier, 2004) alors même qu’il s’agit de la zone offrant la plus grande concentration de haches plates (Briard et Roussot-Larroque, 2002, fig. 12, p. 157).

L’ensemble de ces travaux devrait pouvoir permettre, à terme, d’élaborer une typologie précise des haches plates, typologie qui sera croisée avec leurs compositions élémentaires (typo-composition) dans le but de préciser leur appartenance culturelle et donc leur chronologie de la manière la plus fiable possible en l’absence de contexte. Les aspects technologiques seront aussi abordés à l’aide de l’expérimentation, là encore pour tenter de les préciser, car ils n’ont qu’à peine été abordés jusqu’à maintenant.

Bibliographie

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Baudouin M., L’âge du Cuivre. Les haches plates en Vendée. Mémoires de la Société Préhistorique Française, 1 (Paris, 1911).

Briard J. et L’Helgouach, Chalcolithique, Néolithique secondaire, survivances néolithiques à l’Âge du Bronze Ancien en Armorique, Travaux du Laboratoire d’Anthropologie et des Musées Préhistoriques de la Faculté des Sciences de Rennes (Rennes, 1957).

Briard J. et Verron G., Typologie des objets de l’Âge du Bronze en France, Fascicule III : Haches (1), Société Préhistorique Française, Commission du Bronze (Paris, 1976).

Briard J. et Roussot-Larroque J., Les débuts de la métallurgie dans la France Atlantique. In : Bartelheim M., Pernicka E. et Krause R. (dir.), Die Anfänge der Metallurgie in der Alten Welt, Verlag Marie Leidorf GmbH (Rahden/Wetsf, 2002), p. 135-160.

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