Recherches récentes sur les vaisselles du Bronze final de Corse méridionale

Kewin PECHE-QUILICHINI (Chercheur associé, ASM - UMR 5140)

Thèse soutenue en décembre 2011 à l’Université Aix-Marseille et de Rome I, sous la direction de R. CHENORKIAN (LAMPEA - UMR 7269) et G. TANDA (Université de Cagliari).

Mots-clés : Corse, Sardaigne, Bronze final, Premier âge du Fer, Vaisselles, Céramique, Typologie, Technologie, Échanges culturels.

On résume ici une thèse de doctorat des universités d’Aix-Marseille et de Rome I, soutenue en 2011, dont la problématique principale visait la définition des ensembles céramiques du Bronze final et du premier âge du Fer de Corse, qui n’avaient jusqu’alors jamais fait l’objet d’une approche exhaustive. On ne traitera dans ce cadre que la première de ces deux périodes.

L’analyse de l’intégralité des corpus céramiques de l’île, issus de travaux d’ampleur variable réalisés sur une soixantaine de sites depuis le milieu des années 1950, a permis de définir un groupe stylistique homogène géographiquement distribué sur le quart sud du territoire au Bronze final. Aucun site de cette époque n’a à ce jour été reconnu plus au nord, probablement autant à cause d’un biais de la recherche que pour des raisons d’ordre culturel. Ce faciès (provisoirement) méridional a été baptisé « Apazzu-Castidetta-Cucuruzzu (ACC) » du nom des trois assemblages les plus caractéristiques et les mieux fournis. Il est aujourd’hui reconnu sur une trentaine de sites, essentiellement des habitats, distribués au sud des fleuves Taravu et Solenzara. La compilation des données radiométriques permet de fixer son développement entre 1200-1150 et 850-800 cal. BC avant une mutation rapide à l’origine d’un nouveau groupe techno-stylistique distribué sur le même territoire (groupe de Nuciaresa) au cours du premier âge du Fer. Ce format chronométrique renvoie donc plus aux systèmes italiens de périodisation qu’à ceux utilisés en France, ce qui semble cohérent au vu des dynamiques culturelles mises en évidence lors de l’étude technologique et morphologique. Même si les contextes de la fin du Bronze moyen restent particulièrement méconnus sur l’île, les vaisselles ACC semblent s’inscrire en nette rupture avec les ensembles chronologiquement antérieurs. Deux catégories de vases dominent assez largement au sein de la plupart des collections : les jarres de structure biconique à petit col évasé et les assiettes/plats ouverts. Ces deux types de profils renvoient à des récipients massivement diffusés dans tout l’arc nord-tyrrhénien à partir du XIIe siècle pour les premiers, à des formes très communes à cette époque en Gallura (Sardaigne septentrionale) pour les seconds. Des liens avec l’île voisine sont également perceptibles dans l’intégration de protocoles techniques spécifiques tels l’utilisation de vanneries cousues pour aplatir et standardiser les fonds. Ce syncrétisme avec les régions voisines s’exprime aussi dans l’usage d’une vaisselle fine représentant toujours près de 15 % des collections et qui obéit à une chaîne opératoire de production et à des modes de consommation particuliers.

Si le début de la période paraît en conséquence caractérisé par son degré d’ouverture, il semble que le système se fige assez rapidement et ne connaisse que peu d’évolutions jusqu’à la fin de la période. Les tentatives de phasage interne du Bronze final, déjà rendues compliquées par le manque de fiabilité stratigraphique d’un grand nombre d’« assemblages », trahissent assez bien cette stase stylistique, avec des mutations qui touchent apparemment moins les profils que les proportions intrinsèques des différents types au sein des séquences. Au final, si les répertoires de formes atteignent aujourd’hui une résolution acceptable, il n’en reste pas moins un important travail chrono-contextuel à fournir sur ces vaisselles de la fin de l’âge du Bronze de Corse.