Les instruments de pesée en Europe occidentale aux âges des Métaux : Conception, usages et utilisateurs (XIVe-IIIe s. av. n. è.)

Thibaut POIGT (Doctorant, Université Toulouse Jean Jaurès, TRACES - UMR 5608 ; Université Bordeaux Montaigne, Ausonius - UMR 5607)

Thèse en cours (2015), débutée en 2014 à l’Université de Toulouse - Jean Jaurès, sous la direction de P.-Y. MILCENT (Université Toulouse - Jean Jaurès, TRACES - UMR 5608) et A. GORGUES (Université Bordeaux Montaigne, Ausonius - UMR 5607)

Mots-clés : Bronze final, Âge du Fer, Europe occidentale, Typologie, Métrologie, Poids, Balances, Échanges, Économie.

Plusieurs indices attestent de l’existence d’instruments de pesée en Europe dès la fin de l’âge du Bronze moyen. L’Europe centrale est la zone géographique la mieux connue, en particulier grâce aux travaux de Christopher Pare sur le sujet (Pare, 1999). En revanche, la partie la plus occidentale de cette aire n’a pas fait l’objet d’étude macro-régionale, bien que des instruments de pesée y soient connus. On peut citer des fléaux de balance dans le centre de la France : « La Grotte des Perrats » à Agris (Charente), « La Croix-de-la-Mission » et « Gours-aux-Lions » à Marolles-sur-Seine (Seine-et-Marne ; Peake et al., 1999), la nécropole de Migennes « Le Petit Moulin » (Yonne ; Roscio, 2011), ainsi que des poids métalliques et en pierre retrouvés ponctuellement un peu partout en France : « Malvieu » à Saint Pons-de-Thomières (Hérault), Migennes « Le Petit Moulin », Saint-Léonard-des-Bois (Sarthe ; Charnier, 1999), pour ne donner que quelques exemples, ou dans l’ouest de la péninsule ibérique (« Castro de Pragança », Cadaval, « Monte do Trigo », Idanha-a-Nova, « Penha Verde », Sintra, etc. ; Vilaça, 2011). Pourtant, ces types d’artefacts restent mal connus et étudiés à des échelles locales ou régionales. Cette lacune de la recherche peut être en partie mise sur le compte d’une mauvaise connaissance des typologies qui leur sont liées. Cela est d’autant plus vrai pour les poids, qui peuvent prendre des formes diverses (cf. tableau), parfois au sein de mêmes lots (par exemple ceux de Pragança ou Migennes), et être fabriqués dans des matériaux divers. Les poids en pierre sont certainement les plus mal connus et les moins bien identifiés, pouvant être assimilés à des galets lorsqu’ils sont de formes simples. Les fléaux de balance, lorsqu’ils sont fabriqués en matériaux non périssables, sont plus facilement reconnus comme tels, mais restent rares. Ainsi, malgré la connaissance d’un nombre relativement important de pièces liées à la pratique de la pesée pour l’âge du Bronze et l’âge du Fer, de nombreuses questions restent en suspens. Quand et comment se développent les premiers instruments de pesée ? Quel est leur cadre d’utilisation ? Leur apparition, leur développement et leur utilisation dépendent-ils d’influences exogènes et si oui, dans quelle mesure ?

Le travail de thèse, présenté ici, sera centré sur l’Europe occidentale, dans une zone comprise entre l’Océan Atlantique à l’ouest et le Rhin à l’est en y incluant les îles Britanniques, depuis l’apparition des premiers instruments de pesée en Europe (XIVe s. av. n. è.) jusqu’aux premières adoptions de l’appareil monétaire dans la zone (IIIe s. av. n. è.). Ces questionnements sur l’origine de la pesée représentent une base pour mieux comprendre le rôle de cette pratique au sein des sociétés qui la mettent en place. L’objectif de cette étude est notamment de mettre en évidence les modalités et cadres d’utilisations des poids et balances, ainsi que les systèmes métrologiques auxquels ils renvoient. Un point important sera en particulier de mieux définir dans quelle mesure des systèmes métrologiques exogènes ont pu être utilisés comme base pour l’élaboration des standards d’Europe occidentale ou leur importation directe. Leur intégration ou non dans des réseaux d’échanges est également directement liée à leur possible utilisation lors de transactions commerciales. Si cet argument est souvent évoqué, aucune preuve ne permet pour l’instant de l’affirmer. La masse particulièrement faible des poids de l’ouest de la péninsule ibérique (37 g pour le poids le plus lourd) permet même de douter de leur utilisation dans le cadre d’échanges.

Plusieurs étapes seront nécessaires dans la réalisation de ce travail. Tout d’abord, identifier un maximum d’artefacts. Cela passera par une investigation au sein des collections les plus susceptibles de fournir des poids de balance et par une diffusion des typologies connues, dans le but d’améliorer l’identification directe. Les masses des poids lacunaires seront estimées par le biais d’une acquisition tridimensionnelle par photogrammétrie suivie d’une restitution volumétrique numérique. Les données ainsi obtenues permettront ensuite l’analyse métrologique des objets et leur confrontation avec les standards des zones alentours : mer du Nord, Europe centrale et Monde Méditerranéen. En parallèle, une étude technologique des poids et éléments de balance se concentrera sur les processus liés à la fabrication et à l’utilisation des instruments de pesée. Elle comportera notamment un volet d’expérimentations qui devrait permettre d’approcher les degrés de précision de ces instruments, toujours dans le but d’en cerner au mieux l’utilisation. Le dernier grand volet de ce travail sera d’appréhender le domaine social dans lequel s’intègre la pratique de la pesée et d’en apprendre plus sur ses acteurs. Cet axe de recherche sera essentiellement basé sur les contextes de découvertes et les données métrologiques et technologiques obtenues.

Afin de mener à bien la création de ce corpus d’instruments de pesée, je profite de l’occasion pour inviter tous les chercheurs ayant connaissance de l’existence de mobilier de ce type, issus de leurs propres fouilles ou non, à me communiquer les informations qu’ils en possèdent, aussi lacunaires soient-elles.

Bibliographie

Pare C., Weights and weighing in Bronze Age Central Europe, Eliten in der Bronzezeit, 2 (Mainz, 1999).
Peake R., Séguier J.-M. et Gomez de Soto J., Trois exemples de fléaux de balances en os de l’Âge du Bronze, Bulletin de la Société préhistorique française, 96-4, 1999, p. 643-644.

Peake R. et Séguier J.-M., Balances en os dans le sud-est du Bassin Parisien, Archéopages, 1, 2000, p. 20-29.

Roscio M., Nouvelles approches des nécropoles de l’étape ancienne du Bronze final (Bz D-Ha A1) du bassin parisien au Jura Souabe, thèse de doctorat, Université de Dijon (Dijon, 2011).

Muller F., Une nécropole de l’âge du bronze à Migennes (Yonne), Drac/SRA Bourgogne (Dijon, 2007).

Charnier J.-F., Le dépôt de Saint-Léonard-des-Bois, « Grand Champ du Veau d’Or » (Sarthe), un nouveau témoignage de relations atlantique/continent au Bronze final, Bulletin de la Société préhistorique française, 96-4, 1999, p. 569-579.

Vilaça R., Ponderais do Bronze Final- Ferro Inicial do ocidente peninsular : novos dados e questões em aberto. In : García-Bellido M. P., Callegarin L. et Jiménez Díaz A. (eds), Barter, money and coinage in the Ancient Mediterranean (10th- 1st century BC), Encuentro Peninsular de Numismática Antigua (4th, Madrid 2010), Anejos de Archivo español de arqueología, 58, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, Instituto de Historia (Madrid, 2011), p. 139-167.