Entre Néolithique et âge du Bronze : Ruptures et continuités à la fin du IIIe millénaire en Europe atlantique
Julien RIPOCHE (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Trajectoires - UMR 8215)
Master 2 soutenu en 2014 sous la direction de P. BRUN (Université de Paris I - Panthéon-Sorbonne)
Tuteurs : S. BLANCHET et T. NICOLAS (INRAP)
Mots-clés : Campaniforme, Bronze ancien, Ouest de la France, Bretagne, Façade atlantique, Céramique, Funéraire, Habitat.
Suite à un mémoire de Master 1, s’intéressant en premier lieu aux productions céramiques de la transition du IIIe au IIe millénaire av. J.-C. recueillies en centre-Bretagne sur le plateau du Collédic à Saint-Nicolas-du-Pélem, nous avons décidé de poursuivre nos investigations par le biais d’une étude analytique des corpus documentaires disponibles sur une aire géographique et chronologique étendue. Ainsi, les observations élaborées à partir de la Bretagne concernant la transition du Néolithique à l’âge du Bronze ont pu être mises en perspective au regard des importants corpus disponibles dans le sud de l’Angleterre et aux Pays-Bas. Le cadre chronologique étendu couvrant dorénavant plus d’un millénaire (2800-1750 av. J.-C.) a permis d’observer l’évolution, dans ces trois régions, de la culture matérielle et des architectures (transformées à des degrés différents par la diffusion du phénomène campaniforme), depuis le Néolithique final jusqu’à la fin de l’âge du Bronze A1. Pour parvenir à dresser un cadre théorique et proposer des périodisations comparables pour ces trois régions, nous nous sommes appuyés d’une part sur des publications scientifiques récentes (L. Salanova, C. Stevenin et C. Nicolas en Bretagne ; S. Needham, M. J. Allen et P. Garwood pour le sud de l’Angleterre ; H. Fokkens et S. Beckermann pour les Pays-Bas) et d’autre part sur des ensembles matériels clos, représentatifs des pratiques observées et datés de manière « fiable » par le radiocarbone (intervalle inférieur ou égal à 60/80 ans).
En Bretagne, peu d’éléments permettent d’envisager l’érection des tumulus du début de l’âge du Bronze (et les pratiques funéraires associées) comme une innovation essentiellement locale. En effet, ce type de sépulture demeure marginal en Bretagne au temps des pratiques funéraires campaniformes qui privilégient le réemploi de mégalithes (Fig.1), trait culturel alors partagé en différents points de la façade atlantique et qui semble lié aux réseaux de diffusion maritime du phénomène campaniforme. Il pourrait alors s’avérer judicieux d’envisager ce changement de pratiques funéraires comme le produit des échanges qui se développent au début de l’âge du Bronze entre la Bretagne et d’autres régions précédemment touchées par la diffusion du courant campaniforme « international », où l’inhumation sous tumulus semble très tôt érigée en tant que norme. Par ailleurs, l’existence en Bretagne d’une phase épicampaniforme (qui préfigurerait le Bronze ancien) pose question. En effet, les gobelets non décorés caractéristiques renvoient davantage, selon nous, aux techniques de production et à des pratiques propres à l’âge du Bronze comme semblent le démontrer à la fois les assemblages qui leur sont associés et leurs contextes de découverte. Néanmoins, si certaines riches sépultures acéramiques montrent une évidente filiation à la fois avec les tombes les plus fastueuses de la civilisation des tumulus armoricains et avec le « set » campaniforme, ces quelques sépultures, réservées à des personnages de haut statut, ne suffisent pas à qualifier cette phase d’épicampaniforme.
À l’échelle de l’Europe atlantique, les cultures matérielles des régions étudiées semblent relativement fermées les unes vis-à-vis des autres lors du Néolithique final. Au contraire, dès le début de la diffusion du phénomène campaniforme, on observe une relation privilégiée entre le sud de l’Angleterre et les Pays-Bas qui perdura au cours de l’âge du Bronze. La Bretagne semble alors davantage liée à la diffusion maritime du Campaniforme depuis la péninsule Ibérique avec qui elle semble entretenir des contacts et partager différents traits culturels. Cependant dès 2200 av. J.-C. cette relation est abandonnée au profit d’une intensification des contacts au nord de la façade atlantique, avec le sud de l’Angleterre notamment (caractérisés par l’émergence de nouvelles pratiques funéraires proches dans ces deux régions et par l’imitation et la copie de certaines productions céramiques). Au-delà de 2000 av. J.-C., une réelle homogénéité culturelle est visible entre ces trois régions (Fig.1) (homogénéisation des pratiques funéraires, développement des vases à décors plastiques, disparition des éléments de traditions campaniformes) et justifie déjà l’appellation de complexe culturel atlantique.
Les résultats encourageants produits au cours de ce master m’ont conduit à poursuivre ces recherches par le biais d’une analyse technologique de la céramique de l’âge du Bronze ancien en Bretagne (qui sera ensuite comparée avec des corpus géographiquement proches) pour pouvoir confirmer ou infirmer ces hypothèses et renseigner à la fois l’évolution des chaînes opératoires en Bretagne et les natures des contacts entretenus entre différentes régions de la façade atlantique au début de l’âge du Bronze.